Madagascar possède une diversité géologique exceptionnelle, ce qui en fait un territoire riche en ressources minières. On parle même d’un véritable eldorado pour qualifier l’île rouge. L’exploitation minière y a commencé à petite échelle depuis l’époque coloniale, avec l’or et les pierres précieuses. Depuis les années 2000, le pays attire de grands investisseurs internationaux tels que Rio Tinto et Ambatovy, notamment pour l’exploitation du nickel, du cobalt, de l’ilménite et du graphite. Le mica est aussi très présent sur la Grande Ile, pour un revenu estimé à 5,8 millions d’euros en 2017, faisant de Madagascar le troisième producteur mondial et le premier exportateur devant l’Inde.
Dès lors, il existe un certain nombre de challenges autour du développement social, économique et technologique dans le domaine extractif sur l’île. Parmi eux figure celui de la condition des femmes et des enfants de cette industrie porteuse et aux grandes retombées économiques. Le pays est considéré comme l’un des plus pauvres de la planète. En effet, les trois-quarts des 26 millions d’habitants qui peuplent Madagascar vivent avec moins de 2 dollars par jour. En novembre 2019, les ONG Terre des hommes et SOMO ont publié un rapport dans lequel elles font état des conditions déplorables et le calvaire vécu dans les mines de mica, recherché pour sa résistance aux très fortes chaleurs et très utilisé dans l’aéronautique, la téléphonie et l’automobile. L’étude révèle que plus de 10 000 enfants y travaillent et nombreux parmi eux ont à peine 5 ans. Ils sont victimes de blessures aux mains et aux pieds, souffrent du dos, de maux de têtes dus à la chaleur et au manque d’eau.
La situation des femmes est également très préoccupante, particulièrement dans les mines artisanales de la région d’Anosy, où elles sont souvent reléguées à des tâches subalternes, sans accès aux bénéfices économiques générés par l’exploitation minière. Selon le rapport EITI en 2018, le secteur extractif employait 12% de femmes et 88% d’hommes. Il est considéré comme dangereux et difficile et est vu comme un domaine exclusif aux hommes. Lydie Ralalarison, présidente de L’Association Women in Mines and Resources (WIMR) explique que « Les femmes sont minoritaires dans le secteur extractif même si elles sont majoritaires dans le pays. Il faut tenir compte du fait qu’il y a moins de femmes que d’hommes sur le marché du travail. Pour diverses raisons, beaucoup de femmes malgaches ne sont pas autorisées à travailler par leur mari, leur tradition, des femmes au foyer, des femmes qui n’ont pas obtenu de qualifications. Le nombre d’hommes par rapport aux femmes dans le secteur extractif n’est pas proportionnel. Pourtant, les femmes peuvent très bien faire partie des chaînes de la valeur du secteur extractif et en bénéficier les revenus et les opportunités ».
La situation des femmes n’est donc pas la même, selon qu’elles travaillent dans des mines industrielles ou artisanales. Les mines industrielles sont principalement situées dans le nord et le centre du pays. On y extrait du Nickel dans la région de Soalala, du cobalt, du graphite et de l’or. Ce sont des mines exploitées par des entreprises minières de plus ou moins grande taille et qui détiennent un permis d’exploitation d’une zone donnée. L’extraction est mécanisée au moyen d’engins de terrassement, de camions miniers, de foreuses ou encore de chargeuses. Le rendement est optimisé plus ou moins bien en fonction des moyens de l’entreprise. Les travailleurs sont employés directement par l’entreprise minière ou par des intermédiaires. Dans certaines exploitations, des cas de harcèlement sexuel et de violence physique sont signalés. Des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes, malgré des tâches de même valeur sont également constatés. Enfin, la présence des femmes dans les rôles de leadership et de gestion est rare.
Les mines artisanales à Madagascar sont de leur côté situées dans le sud et le sud-ouest, notamment dans les régions d’Anosy, d’Androy et d’Atsimo-Andrefana. Les principaux minerais extraits sont le mica (utilisé dans l’industrie cosmétique et électronique), le saphir ainsi que d’autres pierres précieuses, et dans une moindre mesure l’or. Les travailleurs sont plus indépendants et le travail n’est pas mécanisé. Beaucoup d’ouvriers creusent avec simplement des pics et des pioches. Souvent, ce sont des petites mines, avec de faibles rendements. L’activité est bien plus précaire et dangereuse, parfois pratiquée dans l’illégalité. Les femmes représentent environ 55% de la main-d’œuvre dans les mines de mica du sud de Madagascar. Elles sont parfois exclues de l’extraction à proprement dit, qui est dominée par les hommes. Leurs tâches incluent ainsi le triage, le tamisage et le transport des minerais, souvent en compagnie de leurs enfants. Les difficultés auxquelles elles sont confrontées sont liées à leur exclusion des processus décisionnels et des bénéfices économiques liés à l’exploitation minière ou au manque d’équipements de protection ce qui les exposent à des risques sanitaires et sociaux.
Pour améliorer la condition des femmes et favoriser leur accès au domaine extractif, des programmes de formation ont été mis en place pour enseigner aux femmes des compétences en gemmologie, en fabrication de bijoux et en gestion d’entreprise. L’initiative PAGE (1) créée en janvier 2015 a formé plus de 350 personnes dont 150 femmes à la taille de pierre précieuses et à la création de bijoux, leur permettant d’ajouter de la valeur aux produits miniers et d’améliorer leurs revenus. D’autres formations sont dispensées aux autorités locales pour améliorer la gestion des revenus miniers et promouvoir une gouvernance inclusive. Cela inclut la création de guichets uniques pour faciliter l’accès aux services publics et à la réglementation minière. Enfin, des syndicats et des organisations de la société civile travaillent à sensibiliser les communautés et à mettre en place des mécanismes de soutien pour les femmes victimes de violences dans le secteur minier. L’association Women in Mining and Resources (WIMR) à Madagascar s’inscrit dans cette voie. Elle vise à promouvoir l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes œuvrant dans le secteur extractif, à valoriser leur représentation auprès des pouvoirs publics et dans la société, aussi bien au niveau national qu’international. D’autant plus qu’on constate que les femmes s’intègrent très bien dans les chaînes de la valeur du secteur attractif : avec des femmes ingénieures en maintenance industrielle, directrices de l’office national des mines et des industries stratégiques, responsables de communication. Elles excellent également dans les métiers socialement réservés aux hommes. Au sein de la société Ambatovy, une dizaine de femmes ont été recrutées pour assurer le poste de conducteur d’engin.
Depuis 2020, l’exportation d’or est interdite sur l’île pour assainissement de la filière. Pourtant des mines illégales ont continué de perdurer. Quatre d’entre elles ont été suspendues par une délégation du ministère des Mines en juillet 2022, et plus récemment en juillet 2024, c’est l’exploitation illégale à Analanjirofo qui a été fermée. Dans le cadre du Plan d’assainissement du cadastre minier, de nouvelles mesures ont été prises en mars 2025 afin de renforcer le contrôle des ressources naturelles du pays et mettre fin aux irrégularités. Plus de 21 titres miniers arrivés à expiration ont été annulés, ce qui a mis fin aux contrats de partage de production associés.
Si des initiatives ont vu le jour pour fermer certaines exploitations illégales et amorcer une régulation du secteur minier à Madagascar, les défis structurels demeurent importants. La condition des femmes et des enfants en particulier dans les mines artisanales et informelles est toujours marquée par la marginalisation, la précarité et des atteintes régulières aux droits fondamentaux. Au-delà des défis sociaux, les effets délétères d’une dégradation environnementale causés par une exploitation souvent non réglementée aggravent encore la vulnérabilité des communautés locales compromettant leur accès à l’eau, à la terre, à la santé et à un environnement sain.
Ces constats rappellent l’urgence de considérer le secteur extractif non seulement comme un enjeu économique, mais aussi comme un levier de justice sociale, de respect des droits humains et de durabilité écologique. Tant que ces dimensions resteront en marge des priorités, le sous-sol malgache continuera d’enrichir certains tout en fragilisant les plus démunis alors même que leur prise en compte est la condition essentielle pour que le pays puisse concilier développement minier et inclusion durable.
(1) Programme d’Appui à la Gestion de l’Environnement
BIBLIOGRAPHIE
- Mines : Madagascar, une île aux trésors à fort potentiel, FRELAND François-Xavier, Jeune Afrique, 24 novembre 2016
- Plus de 10 000 enfants employés pour extraire le mica à Madagascar (ONG), Le Figaro, 22 novembre 2019
- Les conditions de travail des femmes dans les mines de mica de Madagascar, Institut du genre en géopolitique, RAKOTOARINDRASATA Mina, 1er juillet 2022
- Mines – Faible représentation féminine dans le secteur extractif, RAKOTOBE Harilalaina, L’express de Madagascar, 12 mars 2020
- Portraits – Des femmes… et des mines, IHARILIVA Mirana, L’express de Madagascar, 20 mars 2021
- Madagascar : quatre mines d’or illégales suspendues par l’Etat, RFI, 19 juillet 2022
- Analanjirofo – Fermeture de l’exploitation illégale d’or à Analanjirofo, Moov, 30 juillet 2024.
- Assainissement du secteur extractif : fermeture du contrat et annulation du permis, NewsMada, 22 mars 2025
- Résolution N°2020/2552 du Parlement européen du 13 février 2020 sur le travail des enfants dans les mines à Madagscar
- Child labour in Madagascar’s mica sector. Impact of the mica supply chain on children’s rights from the Maladasy mines to the international product line. Somo & Terre des hommes, 2019