Le tourisme sexuel des mineurs à Madagascar : les ressorts d’un crime genré et systémique

publié le 06 juin 2025

Le tourisme sexuel impliquant des mineurs à Madagascar constitue une réalité dramatique et persistante, où des fillettes, parfois âgées de 10 à 12 ans, sont victimes de violences sexuelles pour de l’argent, dans un système organisé, toléré et banalisé par la société.

Un phénomène généralisé et banalisé

L’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (ESEC) prend diverses formes à Madagascar : prostitution infantile, exploitation sexuelle dans le cadre du tourisme, pornographie mettant en scène des mineurs, et traite à des fins sexuelles. Ce fléau touche principalement les zones touristiques telles que Nosy Be, Antsiranana, Tuléar, Tamatave et Fort Dauphin, mais s’étend également aux quartiers populaires et aux zones portuaires. Selon une étude menée par l’ONG ECPAT, la prostitution des enfants s’est largement développée ces dernières années, avec un âge moyen d’entrée dans la prostitution autour de 13 ans. Les victimes sont majoritairement des jeunes filles issues de milieux défavorisés.

La banalisation de ces crimes est alarmante : la prostitution des mineurs se déroule au vu et au su de tous, dans les rues, les bars, les hôtels et les salons de massage. Poussées par la misère, certaines familles n’hésitent pas à livrer leurs propres enfants, fermant les yeux sur l’ampleur du drame, évoquant des « sacrifices » nécessaires à la survie du foyer.

Un système organisé, toléré et impuni

La majorité des clients du tourisme sexuel impliquant des mineurs à Madagascar sont des ressortissants malgaches, des étrangers, principalement des touristes. Ce système est alimenté par la complicité passive des autorités, la corruption et l’impunité quasi totale dont bénéficient les agresseurs. Parfois, même les forces de l’ordre sont impliquées, et les victimes, par peur ou honte, n’osent pas porter plainte.

Bien que la législation malgache interdise strictement la prostitution des mineurs et sanctionne sévèrement les auteurs et les complices, l’application de ces lois reste largement insuffisante. Malgré la ratification des conventions internationales relatives aux droits de l’enfant, l’État peine à mettre en œuvre des dispositifs efficaces pour protéger les victimes et punir les coupables.

Des conséquences dramatiques : un féminicide lent et organisé

Les répercussions sur les jeunes filles sont dévastatrices : traumatismes psychologiques profonds, grossesses précoces, exposition aux maladies sexuellement transmissibles, marginalisation sociale et absence de perspectives d’avenir. Ce phénomène, nourri par la pauvreté extrême, le silence social et un patriarcat systémique, constitue un féminicide lent et organisé, où l’enfance et la dignité des victimes sont sacrifiées au profit d’intérêts économiques.

Des réponses encore insuffisantes face à l’ampleur du fléau

Malgré la gravité de la situation, Madagascar ne dispose toujours pas d’un plan national spécifique dédié à la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants. Le Plan National de Lutte contre la Traite des Personnes (2015-2019), aujourd’hui expiré, incluait certes l’exploitation sexuelle, mais ne ciblait pas spécifiquement la traite des enfants à des fins sexuelles. Les initiatives locales, portées par quelques associations et ONG, restent largement insuffisantes face à l’ampleur du problème, en raison du manque de moyens et de la faible volonté politique.

Un appel à la mobilisation générale

La situation à Madagascar n’est pas une fatalité mais un crime collectif qui engage la responsabilité de tous. Il est urgent que les autorités malgaches assument pleinement leurs obligations à faire respecter la loi, que la société civile brise enfin le silence, et que la communauté internationale renforce ses efforts pour sensibiliser ses propres citoyen·nes à l’importance de pratiquer un tourisme éthique car les droits des filles ne s’arrêtent pas aux frontières.

Protéger les enfants, c’est refuser de sacrifier leur avenir sur l’autel de la misère et de l’indifférence. Il est impératif de nommer clairement les faits : des viols d’enfants qui exigent justice, réparation et prévention.

Pour que plus jamais, à Madagascar, une fillette ne soit vendue pour un repas.

Sources